Sur scène, des pupitres, des bancs et un grand tableau noir. Nous sommes le 1er octobre 1942, dans une école élémentaire pour filles du 11ème arrondissement à Paris. Au-dessus de la classe trône le portrait du Maréchal Pétain (qui s'anime parfois durant le spectacle). Impatiente, la directrice jouée par Anne Richard demande au gardien (Dominique Thomas) d'aller chercher au rectorat la liste des 123 élèves attendues. Elle dessine à la craie un joyeux "Bienvenue les enfants" avant d'accueillir les trois institutrices qui vont la seconder tout au long de l'année. Tout en évoquant le départ inexpliqué de leur collègue Rachel Meyer, celles-ci arrivent en échangeant leurs souvenirs de vacances. L'ambiance est presque légère.
La liste arrive enfin, apportée par le gardien, un bourru au grand coeur, qui a perdu un bras au Chemin des Dames. Les enseignantes se chamaillent volontiers car elles ne partagent pas la même perception du régime de Vichy. Il y a la militante communiste, très justement incarnée par Emilie Chevrillon, Fanny Lucet , agaçante à souhait dans le rôle de la jeune fille de bonne famille, simplement heureuse de récupérer la classe des grands, et enfin la généreuse Isabelle Andreani qui "fait avec" et se console avec le "vrai" café, les bonbons et autres douceurs rapportés de son terroir natal. Mais le lendemain, dans la cour d'école, 106 élèves manquent à l'appel...
Ecrite par Pierre-Olivier Scotto et Xavier Lemaire (qui signe également la dynamique mise en scène), la pièce "Rentrée 42, bienvenue les enfants" revient ainsi sur l'une des pages les plus sombres et peu glorieuses de notre histoire: la rafle du Vel' d'Hiv les 16 et 17 juillet 1942.
Soucieuse de préserver les postes de chacune, la directrice préconise alors la création d'une classe unique assortie d'activités diverses comme un atelier de contes et légendes pour raconter les belles histoires de l'humanité... Mais l'arrivée d'un inspecteur d'académie, dévoué au régime, va tout bouleverser. Malgré une perception peut-être trop caricaturale de cette détestable crapule, on ne peut que saluer la performance de l'acteur Michel Laliberté.
La situation échappe alors à tout contrôle lorsque les institutrices entrent en résistance et font littéralement front commun pour défendre l'intérêt des enfants. Tandis, que la directrice efface d'un geste rageur les mots "Travail, Famille, Patrie", toujours inscrits sur le tableau, pour les remplacer par "Liberté, Egalité, Fraternité".
Un juste hommage à la vocation des enseignants et un essentiel devoir de mémoire.
Jusqu'au 5 janvier 2025, à 19h les mercredis et vendredis, à 21h les jeudis et samedis, mat. le dimanche à 17h, à la Comédie Bastille, 5, rue Nicolas Appert, 75011 Paris. Loc. au 01.48.07.52.07. www.comedie-bastille.com
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