"Vous n'aurez pas ma haine": un récit d'une lumineuse intensité

Mickaël Winum

Personne n'a oublié la lettre postée via les réseaux sociaux par Antoine Leiris, après l'attaque du Bataclan, le 13 novembre 2015. Un attentat où sa femme Luna-Hélène Muyal, figurait parmi les 89 victimes tombées sous les balles des terroristes. Une lettre qui deviendra un livre publié aux Editions Fayard, dans lequel le journaliste, ancien chroniqueur culturel à France Info et France Bleu, raconte la vie, après...

Sobrement mis en scène par Olivier Desbordes, soutenu par la création musicale de la musicienne en live Moone, le talentueux et solaire comédien Mickaël Winum nous emmène sur le chemin que certains appellent la résilience. Un chemin qui passe par les différentes étapes du deuil, les inévitables démarches administratives, les amis bien attentionnés exprimant maladroitement leur compassion, la nécessité de retrouver les rituels du quotidien et les mots, à hauteur d'enfant, pour expliquer à leur fils Melvil , âgé d'à peine deux ans, que maman ne rentrera pas à la maison... Avec en contrepoint des moments où l'on se surprend même à sourire quand il évoque ses maladresses pendant la séance du bain ou ces mamans de la crèche tentant de les réconforter avec une surenchère de Tupperware de soupes de légumes que l'enfant, habitué aux petits pots, ne supporte pas.

Pas de décor évidemment car l'intensité du témoignage suffit à occuper l'espace, subtilement éclairé par Simon Lericq.

On pouvait craindre que le texte présenté ici dans son intégralité, ne prenne une dimension pathos sur scène. Mais "Vous n'aurez pas ma haine" nous transporte au-delà de la douleur, quelque part entre la vie à reconstruire et l'amour porteur d"espoir.

L'un des passages les plus bouleversants est celui où le jeune Melvil, au retour d'une visite au cimetière avec son père, s'amuse à sauter dans une flaque d'eau, comme tous les enfants de son âge, et se met à rire.

En sortant, on songe à d'autres mots, ceux du poète et chanteur Leonard Cohen affirmant que les fissures permettent aussi de laisser passer la lumière...

-Les lundis et mardis, à 21h, au Théâtre Actuel La Bruyère, 5, rue La Bruyère, 75009 Paris. www.theatrelabruyere.com