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Programmateur, éditeur, directeur artistique, chroniqueur, conseiller... François Lacharme est bien connu dans le monde de la musique et du jazz en particulier. A l'occasion, il a même coiffé la casquette de producteur d'albums pour les labels Verve, Impulse! ou encore Musidisc Président d'honneur de l'Académie du Jazz qui décerne chaque année un palmarès très attendu, il est actuellement en charge de la programmation jazz et musiques du monde à l'Auditorium de la Seine Musicale.
Entretien avec un passionné pour évoquer notamment les prochains rendez-vous de cette belle salle de l'ouest parisien: Abdullah Ibrahim (le 7 mars ), Stacey Kent (le 26 mars), Wayne Shorter Legacy (le 28 mars), Richard Bona et Alfredo Rodriguez (le 27 mai), Sarah McCoy (le 12 juin)...
-Vous avez quitté la présidence de l'Académie du jazz pour vous consacrer à l'Auditorium de la Seine Musicale ?
Ce n'est pas tout-à-fait exact. L'Académie du Jazz, je l'ai servie tout d'abord comme secrétaire général pendant quelques années, ensuite comme président pendant pratiquement 20 ans. Je ne suis pas un autocrate, je ne voulais pas faire le concert de trop ! Cela n'a rien à voir avec mon rôle de programmateur que j'ai d'ailleurs exercé au Théâtre du Châtelet dès 2007. Faire de la programmation n'est pas du dogmatisme mais de l'épicerie fine !
-Le jazz et les musiques du monde font plutôt bon ménage, non ?
Le jazz est né de la conflagration entre différentes cultures. Il a beaucoup "chapardé" dans les musiques du monde. Je pense à John McLaughlin qui a voyagé en Inde d'où il ramené des musiciens, des rythmes et des modes orientaux. Miles Davis a fait la même chose quand il a eu cette épiphanie en écoutant la musique de Manuel de Falla. Tout cela a donné un bouillon de cultures assez exceptionnel. Il y a une sorte de logique à les voir cohabiter.

-Le jazz semble toucher un public plus large depuis quelques années ?
Il a représenté au mieux 2 à 3% des ventes de musique enregistrée, mais en même temps ces pourcentages sont irréductibles. Ils seront toujours là parce que c'est une passion. Une fois qu'on s'est lassé d'écouter les robinets à tubes, on a besoin de cette musique qui boxe l'âme, comme l'avait dit très justement Cocteau.
-Dans une interview, la saxophoniste Jeanne Michard confiait que dans le jazz les femmes instrumentistes doivent encore pousser les portes ?
C'est vrai mais c'est en train de changer. Il y a un véritable vivier d'instrumentistes qui sont tout-à-fait légitimes pour être à la tête d'un groupe. Dans les années 80, la contrebassiste Hélène Labarrière était une des rares sidewomen en France devenues plus tard cheffes d'orchestre, comme le furent Micheline Pelzer, Marie-Ange Martin, Claudine... Aujourd'hui, on peut multiplier le chiffre par 20.
-Quand on regarde la programmation à l'Auditorium, la parité est respectée ?
Je n'ai pas herché à le faire mais le constat est là.
-Pouvez-vous nous parler des prochains rendez-vous ?
Le 7 mars, j'aurai la grande fierté de recevoir le pianiste Abdullah Ibrahim. C'est un sage dans tous les sens du terme. En solo, il exprime la quintessence de son art. Il a vécu l'Apartheid et en même temps, il a beaucoup voyagé. Il y a chez lui une sorte de revendication silencieuse. Il joue beaucoup avec le silence. Nous recevrons ensuite la chanteuse Stacey Kent. Elle a une diction incroyable. J'aime sa fraîcheur et son espièglerie. J'attends énormément du concert Wayne Shorter Legacy avec Ravi Coltrane en invité spécial. On ne mesure pas encore aujourd'hui la portée de l'héritage de Wayne Shorter. Puis nous aurons Richard Bona et Alfredo Rodriguez. Deux artistes adoubés par Quincy Jones. Richard n'est pas seulement un formidable bassiste, c'est aussi un chanteur. Quant au pianiste cubain Alfredo Rodriguez, c'est un virtuose flamboyant capable de grands élans poétiques.

-La chanteuse et pianiste Sarah McCoy est dans un registre différent ?
Elle me fait un peu penser à Tom Waits. Quand on se penche sur sa vie, elle nous refait la route de Jack Kerouac et de la Beat Generation. Elle a un côté déglinguée guérie. Ce qui interpelle chez elle, c'est que dans sa voix, on entend son parcours.
-Certains évoquent encore les difficultés d'accès pour arriver à l'Île Seguin ?
La passerelle piétonne devrait ouvrir avant ou après l'été ce qui va permettre d'atteindre directement la Seine Musicale et l'Auditorium.
-Auditorium de la Seine Musicale, Île Seguin, 92100 Boulogne-Billancourt. Tél. accueil : 01.74.34.54.00. Tél. billetterie: 01.74.34.53.53. Infos sur le site www.laseinemusicale.com
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