Edouard Rencker :"soutenir les artistes est dans l'ADN de Jazz Magazine"

(c) William Parra

Depuis ses débuts dans le journalisme économique, Edouard Rencker a multiplié les casquettes et les défis ! Grand reporter indépendant, il a créé au début des années 80 l'Agence Sequoia, la première à livrer des articles et dossiers "clefs en mains", rédigé des ouvrages de référence comme "La pub est morte, vive la communication", racheté le mythique Jazz Magazine...

Aujourd'hui directeur de ce fleuron de la presse spécialisée, mais aussi de Jazz News, il est également Président de Jazz&Cie, dédié au développement du jazz et des musiques du monde, Président du Collectif des Editeurs de la Presse musicale, producteur d'albums et de concerts, gérant du Studio d'enregistrement Quai Son, organisateur de festivals...

Rencontre avec un passionné qui se définit modestement comme un journaliste-entrepreneur.

-Investir dans la presse papier, c'était assez audacieux, non ?

C'était même une folie ! Il y a une douzaine d'années, lorsque Sarah Ténot m'a proposé de racheter Jazz Magazine, le journal qu'elle avait hérité de son père Frank, j'ai réfléchi 24 heures et j'ai dit oui. L'idée était de sauver ce titre déficitaire que les enfants avaient conservé en mémoire de leur père.

-Comment avez-vous procédé ?

Nous avons tout remis à plat. Il fallait trouver l'équilibre entre l'histoire, le patrimoine et l'actualité du jazz. J'ai fait réaliser une étude du lectorat et nous avons proposé une nouvelle maquette, d'autres formules d'abonnements. Nous sommes présents dans les kiosques, sur les forfaits mobiles et nous avons ouvert une boutique indépendante. Nous avons perdu plus de 700 kiosques en 2024 et nous devons nous préparer à leur disparition. Aujourd'hui, les plus gros relais se situent dans les gares et les aéroports.

-Il paraît que vous avez failli naître dans un club de jazz ?

Ma mère était danseuse au Caveau de la Huchette à Saint-Germain-des-Prés où elle s'est produite jusqu'au dernier moment de sa grossesse. A un moment, elle a quand même décidé qu'il était temps de quitter la scène! On peut d'ailleurs la voir dans le film "Les tricheurs" de Marcel Carné où elle a un petit rôle. Je lui dois également mon premier choc affectif pour le jazz.

-C'est-à-dire ?

Elle m'avait emmené au concert de Dave Brubeck à l'Olympia. Je devais avoir 7 ans. Après j'ai eu ma période rock mais je suis vite revenu au jazz.

Couverture du numéro de novembre

-Les archives de Jazz Magazine sont un véritable trésor pour un passionné comme vous ?

Le journal a plus de 70 ans et nous disposons en effet de documents sonores et visuels exceptionnels concernant Miles Davis, Nina Simone... Il y a aussi des clichés de Jean-Marie Périer qui a débuté sa carrière de photographe à Jazz Magazine avant de rejoindre "Salut les Copains". Nous avons actuellement deux expositions qui tournent régulièrement. L'une avec plus de 300 documents racontant l'histoire du jazz de 1954 à aujourd'hui et la seconde, avec une quarantaine de photos illustrant nos coups de coeur. Nous allons également réaliser des podcasts et nous travaillons sur la lecture des dossiers d'époque en utilisant l'IA.

-Vous ne vous contentez pas d'offrir un support papier ?

Soutenir les artistes est dans l'ADN de Jazz Magazine. Nous allons multiplier les concerts en province. Nous sommes de plus en plus dans la production avec le Studio Quai Son, un véritable cocon situé près de Barbizon. Nous sommes fiers d'avoir organisé les premiers concerts de jeunes artistes.

-Vous menez également des actions au sein du Collectif des Editeurs de la Presse Musicale ?

Nous avons été reçus plusieurs fois au Ministère de la Culture car nous nous battons pour que la musique soit reconnue d'intérêt général.

Propos recueillis par Annie Grandjanin